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Une Reine au Transversal !

LA FIRME PREND LEAR !

Présentée lors des 4e Rencontres de la Sabam au Théâtre Transversal, rencontres qui ne comptaient pas moins de six lectures sur trois jours, « La Reine Lear » de Tom Lanoye (traduction d’Alain Van Crugten) a marqué les esprits… et donné très envie de voir la pièce montée, en totalité, à Avignon. 

Par l’écriture puissante, ciselée, limpide de l’écrivain dramaturge flamand, récompensé d’une Muse pour l’ensemble de son œuvre par la société d’auteurs belge La Sabam, qui offre une formidable transposition de la fable shakespearienne dans notre contemporanéité déglinguée, crise économique et climatique obligent. Par le jeu engagé des neuf comédiens-lecteurs, dont la sémillante maîtresse de ces lieux Laetitia Mazzoleni, en belle-fille stérile et colérique, la jeune Camille Piron-Vallès en patiente libératrice de didascalies et Barbara Ferraggioli dans le rôle-titre de la Reine mère, flamboyante Cruella hoquetant sa démence et lâchée par ses fils, cupides autant que stupides qui négocient sec pour se refiler sa garde : « Ce n’était pas une firme mais un vrai firmament ! Je ne veux pas être une vieille chienne abandonnée de tous », crache l’impitoyable femmes d’affaires, démente mais plutôt lucide.

« L’enfant terrible de la littérature flamande » nous a accordés un entretien autour de ce Lear d’exception, transposé en
« vieille folle » et génie des affaires en pleine tempête boursière, dont la guerre de succession passionne depuis…

des siècles ! 

Quelle est votre réaction après ce prix reçu le 6 octobre, en direct de l’émission Culture Club au Transversal ?

Ce n’est ni une honte ni un scandale… surtout que la Muse est une belle statue qu’on peut poser sur l’armoire ! Ça me rend même très heureux, la Sabam a les droits et s’occupe très bien de toute mon œuvre, c’est un organisme précieux. Moi je pense plus au futur qu’au passé, mais c’est bien que quelqu’un me rappelle que j’ai écrit quelque chose !

Être récompensé à Avignon, ça fait quoi, vous qui avez été écrit notamment pour Guy Cassiers à plusieurs reprises ?

Ça fait 30 ans que je viens au festival ! je n’aurai jamais pensé que mes pièces seraient jouées ici, c’est grâce à Guy Cassiers effectivement qui m’a demandé d’écrire en néerlandais. Cela semblait impensable que les Français puissent entendre pendant quelques heures une autre langue tout en lisant le sous-titrage. C’était formidable qu’ils puissent entendre la musique de la langue, de la musique sans instrument. Et puis être joué à la Cour d’honneur, avec la pièce « Sang & Roses » (2011, ndlr), commandé par le Festival d’Avignon : ça a été des grandes soirées dans ma vie d’aller dans ce Palais des Papes avec deux monstres sacrés de l’histoire française en néerlandais et une pièce qui critiquait le catholicisme ! C’était une si grande émotion… Avignon pour moi c’est le nirvana, sans devoir mourir !

Vous parlez de la musique de la langue, comme à l’issue de la lecture de « la Reine Lear » où vous évoquiez « la formidable musique des insultes ». Êtes-vous musicien ?

Je suis écrivain et musicien sans instrument ! Pour moi, la définition de la poésie, doit être musicale, et non naturaliste, c’est impossible. Ça peut être de la musique du silence, mais dès le moment que le rideau s’ouvre, c’est fini, le réalisme reste à la maison. Ça veut dire que la langue doit être poétique avec une sonorité. Toute la littérature a commencé avec une tradition orale. Et le théâtre aussi. Pour moi, la littérature c’est de la musique.

Pourquoi transposer le Roi Lear en femme ?

Ma mère qui était actrice amateure disait qu’il fallait plus de rôles pour les femmes de plus de 35 ans. C’est un cadeau pour elle, je sais qu’elle aimerait cette pièce et ce rôle. Cela m’a beaucoup intéressé de voir cette lecture au Transversal, c’est important pour un auteur, c’est un moment sacré, comme un rituel. Les spectateurs doivent s’imaginer avec quelques directions ce qu’ils feraient comme mise en scène. C’était très bien !

Nous restons d’ailleurs un peu frustrés après la lecture de la 1re partie uniquement. Quelle est la chute ?

C’est une pièce moderne qui utilise tout ce que Shakespeare a utilisé, la plupart de ces pièces étant déjà des adaptations. Donc on est bien libres de faire des pièces autonomes parallèles ! « La Reine Lear » entre dans une tempête, aggravée par des raisons climatologiques, mais aussi économiques. C’est aussi la tempête dans sa tête. Il y a une chose magnifique à la fin, elle donne le sein à son fils bien aimé, qui est mort. Dans sa folie, elle croit que ça marche. C’est très émouvant car elle devient la Piéta qui essaye de redonner la vie à son fils : c’est quelque chose qu’un Roi ne peut pas faire ! La pièce a 10 ans, elle a été créée en Hollande, jouée en Allemagne, en Afrique du Sud. Mais pas encore en France. Comme la pièce originale, elle doit prendre du temps, et ne peut pas être jouée en une heure…

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