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"Sortir du tabou,
une question de santé publique !"

EN COURS & EN COULISSES

Chevaleresses / Puzzle 4

Une poignée de jours avant la Première de sa création « Chevaleresses », qu’elle donnera au théâtre des Carmes (Avignon) les 10 et 11 octobre, le CharabiArt a rencontré Nolwenn Le Doth. Dernière pièce de notre puzzle, première d’une tournée qu’on lui souhaite ample, vivante, vagabonde autant que le feu intérieur qui anime cette comédienne-auteure-metteure en scène dans tout ce qu’elle entreprend !

Ce jour-là, elle est seule, sur le plateau géant du théâtre des Halles. Des notes éparpillées au sol, l’agenda collé-minuté, cheveux froissés, regard (un brin) stressé mais bien solide. Méthodique et débordante, sa belle ambivalence. La veille, elle a participé à une rencontre du planning familial et du CIDFF lors de la Journée sur les violences sexistes et sexuelles sur les jeunes et les enfants. Elle a partagé son histoire, l’inceste qu’elle a subi enfant, raconté les mécanismes de dépassement. Son histoire, si intime, franchit bien évidemment le cadre personnel : le texte qu’elle a écrit, lauréat de l’aide à la création Artcena et du festival Texte en court, est une œuvre poétique, politique, urgente. De cette rencontre, Nolwenn en est sortie nourrie et convaincue qu’il est grand temps de sortir du tabou. « C’est une question de santé publique ! À 20 ans, je ne pensais pas qu’il y aurait une journée dédiée à l’inceste et à la façon de recueillir la parole ; hier, j’ai entendu beaucoup de peurs, c’est normal, c’est terrorisant, mais acceptons et parlons-en ! L’inceste, ce sont des abus sexuels qui se font, souvent, sans violence et se passent de manière massive, dans la cellule familiale. Aujourd’hui, on ne peut plus dire qu’on ne sait pas, on est au-delà de la prise de conscience et du fait divers. » L’action, la mise en mouvement, le dépassement, c’est ça le feu intérieur de Nolwenn !

« Ce que j’ai écrit obligeait à sortir du théâtre. »

Depuis l’écriture du texte (qu’elle modifie jusqu’aux derniers jours pour passer la scène) et cette dernière résidence aux Halles, six ans se sont écoulés. De nombreux partenaires ont cru et légitimé le projet, même s’il a fallu parfois déployer beaucoup d’énergie pour rassurer : au total, Chevaleresses a bénéficié de onze temps de travail dans des structures majoritairement co-productrices (La Garance, le pôle Art de la scène de la Friche, le centre dramatique des Villages, le centre des Arts du récit, le théâtre national de Nice…), plutôt balèze ! « Il y a eu beaucoup de travail, c’est vrai ! L’objet correspond exactement aux images que j’avais le jour où j’ai commencé à écrire. » C’est aussi « l’armée » de production et de création érigée autour d’elle qui impressionne. Une vraie force, un souffle, visibles même si Nolwenn est seule au plateau. Seule à porter l’histoire mais partagée avec 21 femmes (ayant une pratique amateure de chant) du chœur Arteteca qui l’entourent. Seule mais accompagnée par une scénographie en forme d’armure, des costumes « magiques », guidée par un chorégraphe sensible. « C’est par le corps que tout est passé : ce que j’ai écrit obligeait à sortir du théâtre. J’avais envie d’amplitude, j’ai une vraie appétence pour le mouvement. » 

Une langue et une pièce performatives

Au final, trois formes de la pièce, physique, performative comme la langue, vont exister : participative avec le chœur Arteteca, en solo avec une bande originale enregistrée, et en version lecture dans les collèges, les lycées, les centres sociaux... « C’est un projet collectif et une prise de parole collective. À l’avant-scène, il y a la Chevaleresse avec son histoire, particulière, mais elle est porte-parole de toutes les autres. » Aujourd’hui, Chevaleresses, avec un S, appartient aussi au public et peut traverser le miroir. Et ça c’est de la joie pour Nolwenn !

D.M.

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